Cette question est volontairement provocatrice bien sûr. Evidemment, les émotions agréables comme la joie, l’enthousiasme ou le plaisir, ont toutes leur place dans le cercle professionnel et ont même un rôle essentiel d’équilibre personnel et relationnel. C’est ce qui nous distingue des machines et qui fait de nous des êtres complexes, au grand regret parfois de certains managers qui aimeraient davantage se trouver face à des robots automatisés à qui des ordres sont donnés sans que l’affect entre en jeu et vienne perturber les rouages bien huilés de la performance tant recherchée…
Pourtant, il est démontré que l’ambiance générale dans une entreprise, les relations tissées entre ses membres, la communication aisée et transparente, sont les ingrédients d’une structure gagnante. Une enquête a même fait ressortir qu’à choisir entre des fonctions riches en responsabilité et une ambiance constructive avec des relations professionnelles bienveillantes, le salarié privilégie la 2ème car, à quoi bon avoir des tâches structurantes intellectuellement si l’atmosphère est pesante et l’entourage malveillant. La notion de bien-être au travail est au cœur du sujet. Notion qui a évolué ces dernières années comme le relève l’INRS : « La notion de bien-être au travail est un concept englobant, de portée plus large que les (seules) notions de santé physique et mentale. Elle fait référence à un sentiment général de satisfaction et d’épanouissement dans et par le travail qui dépasse l’absence d’atteinte à la santé. » « La mise en œuvre d’une politique de bien-être peut ainsi contribuer à l’épanouissement professionnel des salariés mais aussi à l’amélioration de l’ambiance de travail au sein des équipes et au renforcement du climat de respect et d’écoute. Elle contribue aussi à prévenir les risques psychosociaux, en amont des manifestations aiguës de stress, de violence ou d’épuisement. »
L’ambiance, le climat, sont à présent pris en compte au même titre que des éléments plus rationnels et traditionnellement avancés par les entreprises pour justifier de leur intérêt pour le bien-être comme les missions confiées, les conditions matérielles de travail, ou même les avantages financiers (salaires et extras). Une vie professionnelle agréable et plaisante est aujourd’hui autant plébiscitée, surtout par les nouvelles générations, qu’une vie professionnelle engagée et intéressante sur le plan de l’intellect. D’ailleurs, nous touchons du doigts les fondements de la psychologie positive telle que définit par Robert SELIGMAN, son créateur. Le bonheur est, selon lui, composé de 3 ingrédients : le plaisir, l’implication et le sens. Il est donc bien possible, contrairement à une culture de l’entreprise fort répandue, d’atteindre le bonheur au travail si ces 3 composantes sont présentes.
Nous avons, par conséquent, tous droit au bonheur au travail et il est de notre responsabilité de nous interroger sur l’existence ou pas de ces 3 ingrédients sur notre poste actuel. Les émotions que nous vivons durant une journée sont-elles majoritairement agréables ? Le plaisir est-il (toujours) là ? La psychologie positive énumère une liste d’émotions agréables principales dites positives que nous avons tout intérêt à identifier pour sonder notre niveau de bien-être au travail : la joie, la reconnaissance/gratitude, la sérénité, la curiosité/la créativité, l’espoir/la motivation, la fierté, l’amusement, l’inspiration, l’admiration.
Je vous invite à faire l’exercice et à vous poser quelques minutes pour vous demander si ce sont des émotions qui vous accompagnent actuellement sur le poste que vous occupez. L’objectif de cette introspection n’est pas de se morfondre dans le cas où le résultat n’est pas positif, mais au contraire d’aller de l’avant et de réfléchir à toutes les manières d’ajouter des émotions positives à son quotidien professionnel. Il n’appartient pas aux autres de vous autoriser à le faire. Vous êtes à même de le décider et de changer des paramètres pour distiller un peu plus de joie, d’amusement etc dans vos relations à vous-même et aux autres. C’est une façon de se concentrer sur le positif de sa vie et d’améliorer les champs qui peuvent l’être. C’est l’occasion aussi de penser à de nouvelles façons de faire les choses plus en conscience. La curiosité par exemple se développe en explorant de nouveaux sujets intéressants et passionnants ; c’est l’ouverture à l’expérience et à la connaissance. Ses effets positifs favorisent la volonté de défier les stéréotypes, l’envie de relever de nouveaux défis dans le travail, de savoir dépasser une situation stressante sans se laisser submerger.
Enfin, se concentrer sur les émotions positives qui parcourent notre journée, c’est aussi se rendre compte de l’interprétation que l’on fait des événements et des choix qui en découlent. On peut toujours avoir la possibilité d’agir autrement si l’on prend conscience des pilotes automatiques qui dictent nos décisions et nous renvoient à des émotions défavorables. On peut se poser alors les questions suivantes : quelles sont les autres façons, plus positives pour moi et les autres, de voir la même situation ? ou encore comment réagirait à cette situation une personne que l’on admire pour sa positivité ? Cette focalisation a le mérite de poser notre attention sur le champ de tous les possibles pour changer notre vision et minimiser les aspects négatifs.
Il est scientifiquement prouvé que plus on stimule des émotions positives, plus on en éprouvera les bienfaits, et plus notre cerveau cherchera à réitérer l’expérience pour en revivre les sensations corporelles et les sentiments consécutifs. Plus les émotions positives sont cultivées et plus le corps, le cœur et la tête sont en harmonie. D’ailleurs, Barbara Fredrickson, enseignante chercheuse américaine spécialiste de la psychologie positive, a mis en évidence que les émotions positives favorisaient les comportements positifs, les relations interpersonnelles positives, un meilleur état de
santé, une plus grande longévité, etc. Donc, ça vaut le coup d’essayer et de mettre son focus sur toutes les occasions de positiver et de voir les choses en clair, non ?