J’ai récemment écouté une conférence très intéressante de Bernard FLAVIEN, consultant et coach spécialisé, au sein de l’Ecole de Management de Grenoble. Je vous la conseille : https://youtu.be/flecCNe8yCA. Je vais vous en résumer les passages les plus cruciaux selon moi et qui permettent de mieux appréhender cette notion très usitée d’intelligence émotionnelle.
Tout d’abord, il procède à une comparaison très juste entre la tradition asiatique et le monde occidental. Il relève que, dans la première, le passage à l’acte n’est décidé qu’après une observation attentive de la situation. La stratégie est celle, bien connue, des arts martiaux qui jauge un obstacle avant d’intervenir. Tandis que, chez nous, la tradition héroïque a fini par faire croire que l’action était le seul salut et que l’observation n’était pas utile voir efficace. C’est bien cette différence qui caractérise l’intelligence émotionnelle que Bernard FLAVIEN définit comme la capacité à se rendre compte d’une émotion et de l’observer. C’est passer de l’héroïsme où l’émotion est la patronne à la stratégie de l’observation. Je ressens une émotion. Qu’est-ce que j’en fais ? Je ne cherche pas à la supprimer. Je l’observe et je lui parle pour savoir ce qu’elle a à me dire.
Parmi les émotions primaires, la peur est la cheffe. C’est grâce à elle que nous sommes en vie depuis les 1ères minutes de notre souffle. En effet, sans elle, aucun danger n’est repéré par notre cerveau et nous succombons dans la seconde. C’est la peur qui nous permet de nous organiser et de borner le monde et les actions que nous avons à mener à notre dimension. Et, cette structuration interne débute à notre naissance. Notre pouvoir de décision est encore consolidé grâce à la peur et aux « warnings » qu’elle nous envoie sans cesse. Or, il nous appartient de prendre garde à la façon dont la peur, comme toutes les autres émotions, peuvent « hacker » notre mental.
La théorie des marqueurs somatiques d’Antonio DAMASIO, médecin et professeur de neurologie, nous est ainsi expliqué pour comprendre cette liaison permanente entre émotion et raison. Pour mieux l’appréhender, rappelez-vous de la fameuse Madeleine de Proust, ou, dans un autre registre, de l’omelette tant aimée par le critique culinaire dans le dessin animé Ratatouille des studios Pixar. L’émotion est une molécule chaude, immédiate, localisée dans l’amygdale, au sein de notre cerveau. C’est le gyrophare qui s’allume quand on est en contact avec une émotion forte. Nous en avons déjà parlé dans le-developpement-de-son-lacher-prise. A ce stade 1 de la zone chaude, nous avons alors 2 options :
- attendre et ne pas réagir immédiatement face à cette émotion qui nous assaille, l’observer et lui permettre de passer au stade 2, celui de la mémoire vive, quand la molécule chaude refroidit et passe dans le cortex préfrontal, zone plus tiède de la raison, correspond à celui du toilettage émotionnel et de la sortie de la zone chaude
- rester submergé(e) par cette émotion au risque de rester au stade 1 et de créer une surcharge cognitive qui, par répétition, pourra conduite au burn-out, du fait des marqueurs somatiques négatifs ancrés dans le cerveau
Cette démonstration justifie le toilettage obligatoire et nécessaire à réaliser régulièrement pour ne pas laisser nos émotions au stade 1. Tout ce qui n’est pas nettoyé sera alors stocké directement au stade 3, celui de la mémoire longue et de la molécule dure, sans passer par le stade 2. B. FLAVIEN ajoute qu’il faut 21 jours à un événement pour passer dans la mémoire longue er devenir un marqueur somatique. Aussi, le nettoyage doit impérativement avoir lieu dans ce délai car, au 22ème jour, ce sera trop tard et le souvenir sera ancré, qu’il soit agréable ou non. Une mauvaise habitude s’enkyste aussi de la même manière. L’action passe dans la mémoire longue et s’engramme dans le dur le 22ème jour.
Les 21 jours doivent être considérés comme une zone de transit où rien de ce qui est difficile pour nous doit rester le 22ème jour au risque de passer dans la zone de stockage permanent de la mémoire longue. A ce titre, le sommeil a ce rôle de triage des émotions. Il est fréquent le lendemain matin d’y voir plus clair et de se sentir plus léger face à une situation vécue la veille.
Comment trier et ne pas stocker ? Une partie de réponse est donnée lors de la conférence avec notamment le rappel du rôle de nos émotions qui sont un cadeau et même notre garde du corps. Notre réaction face à elle n’est donc pas la fuite ou le combat. C’est un début de réponse. Par ailleurs, B. FLAVIEN nous fait part de la différence à faire entre LE PROBLEME et LA DIFFICULTE.
- le problème est un sujet qui se pose à l’extérieur de moi
- la difficulté est un sujet qui devient une préoccupation pour moi et entre dans mon intérieur
La posture émotionnelle est alors de laisser le problème au stade de problème et de ne jamais en faire une difficulté. Un problème doit être traité comme un événement neutre qui n’a pas d’interférence avec nous. En parler avec d’autres est une solution afin de l’extérioriser et de ne pas faire corps avec lui. Cela évitera au problème de s’engrammer en nous jusqu’au 22ème jour pour devenir une difficulté… Face à un conflit avec autrui, il est rappelé, dans cette conférence, que la base de l’intelligence émotionnelle est de s’autoriser à laisser parler notre attractivité, notre lumière pour irradier autour de soi. C’est une notion à opposer à la culpabilisation qui diminue, au contraire, notre lumière, et la retourne contre nous. Le vrai respect, c’est en effet, la présence à soi. Etre là sans regrets. A ce propos, Edgar FAURE nous dit : « un ennemi, c’est quelqu’un avec lequel vous n’avez pas encore pris le temps de déjeuner ».
L’intelligence émotionnelle nous invite enfin à prendre soin de notre égoïsme à travers l’autre car une relation, c’est, en réalité, une mutualisation d’égoïsmes. Le conférencier, avec humour et provocation, relève d’ailleurs qu’il est préférable d’être intéressé à l’autre plutôt qu’intéressant car c’est lui-même qui intéresse l’autre dans la relation et pas nous !