Dans un monde de l’entreprise sans cesse en recherche de performance et de compétition, le défi quotidien est celui d’apprécier, malgré tout, ce que la journée a à nous proposer d’occasions de se remercier et de remercier les autres. Adopter une attitude de gratitude et d’auto-gratitude permet de se souvenir que tout n’est pas acquis et que l’on peut être reconnaissant, pour de multiples raisons. Il est plus naturel, à cause de ce que l’on appelle le biais de négativité, de lister tout ce qui ne va pas, tout ce que l’on voudrait modifier, plutôt que de noter, dans la journée, les événements positifs qui surviennent et qui nous font grandir, sous tous les angles, pour devenir meilleur.
Comment l’auto-gratitude peut nous alléger ? Il est un fait avéré qu’un exercice vaut la peine d’être vécu. C’est celui de la pratique régulière de l’arrêt sur image, en fin de journée notamment. Vous verrez très rapidement les bénéfices sur votre état émotionnel et sur l’entrain que cela vous donne pour recommencer la journée suivante. Au lieu de ressasser les points négatifs, les irritants qui ont pu vous empêcher d’avancer, comme les courriels crispants, les interlocuteurs professionnels obstinés ou les remarques hostiles, prenez l’habitude de relever les détails qui ont ensoleillé votre journée quelques minutes ou mêmes quelques secondes. Ce peut être le café que votre collègue vous a proposé en arrivant le matin, le sourire de tel autre qui n’est pourtant pas coutumier du fait, la tarte aux fraises que vous vous êtes offerte au déjeuner, la remarque que vous avez formulée en fin de réunion et qui a permis d’aboutir à un consensus etc. Vous constaterez qu’il y a une multitude de petits moments qui ont chassé les nuages dont vous vous souveniez pourtant davantage au 1er abord. Une mauvaise journée en apparence peut cacher du positif et en prendre conscience fait toute la différence sur notre état émotionnel présent et à venir. Avant de vous coucher, imaginez les bénéfices de cet exercice. Au lieu de compter les moutons, il est bien plus favorable d’énumérer ces « petits plaisirs » pour s’endormir apaisé. Cette mémorisation positive muscle ainsi le cerveau.
La 2ème posture significative est de se remercier pour la plupart de ces bonheurs car vous remarquerez aussi que vous en êtes, très globalement, l’initiateur ou, à tout le moins, le responsable. Si votre collègue vous offre ce café convivial, c’est parce qu’il vous apprécie et que vous êtes une personne qui compte pour lui. Votre comportement à son égard y est pour beaucoup, non ? C’est encore une manière de regonfler son estime de soi. Et, nous l’avons vu, c’est une des composantes de la-confiance-en-soi. Ces petits rien qui font la différence ne sont pas si naturels que cela. C’est parce que vous êtes tel que vous êtes que cela se produit. Il est essentiel de s’en rendre compte.
L’auto-gratitude est une attitude de bienveillance que l’on s’offre comme on le ferait à son meilleur ami. Pourquoi se violenter davantage qu’on ne le ferait avec lui, en se reprochant milles choses que l’on n’a pas faites ou mal faites dans la journée ? C’est de la maltraitance je dirais même. Chez une personne déprimée, ou susceptible de tomber dans le burn-out, on peut retrouver les mêmes capteurs cumulatifs ou non de dépréciation de soi :
- soit elle ne prend plus conscience de ces événements positifs journaliers parce que sa tête est envahie de pensées négatives et, dans ce cas, l’exercice du soir est primordial et urgent pour quantifier objectivement et se rendre compte que le nombre de points + est bien plus important qu’elle ne se l’imaginait.
- soit elle considère ces « petits plaisirs » repérés comme dus : mon patron n’a pas d’autre choix que de m’offrir cet après-midi de congés avec tout le boulot que je fournis et le dossier que je lui ai rendu nickel. Il y a lieu, de lui faire réaliser que c’était loin d’être gagné d’avance et qu’il n’y a rien de naturelle dans cette décision prise par le supérieur. Il aurait pu parfaitement se contenter de la remercier ou bien encore de ne rien manifester. C’est donc bien une action positive à mettre au compteur des événements agréables de la journée et qui aurait pu ne pas avoir lieu.
- soit elle estime qu’ils sont naturels et aucunement dus à sa personnalité et que son comportement n’a pas de lien de cause à effet avec les événements agréables qui surviennent : j’ai eu une idée intéressante en fin de réunion mais ce n’est pas elle qui a été déterminante pour remporter le marché. De toute façon, la tournure des négociations était déjà positive avant que je n’intervienne. Ma remarque n’a pas été très significative. Pourtant, ici, c’est bien une récompense méritée à mettre à son actif car c’est précisément SA REMARQUE et celle de personne d’autre qui a fait basculer la réunion. La reprise détaillée du déroulement de celle-ci sera un moyen de lui faire réaliser son implication réelle.
Et la reconnaissance à autrui ? Cette douche de gratitude, comme aime à l’appeler Christophe ANDRE, est salvatrice non seulement pour soi mais aussi pour ceux que nous croisons durant la journée. Remercier son prochain est primordial à notre équilibre. Oublier cet acte tellement anodin et si important a des conséquences inimaginables sur notre état d’esprit, le relationnel que l’on crée, notre santé même. Quand on remercie, généralement, un sourire apparaît sur notre visage. Et, ce sourire met en mouvement des dizaines de muscles faciaux qui, eux-mêmes, ont des répercussions sur le reste du corps (les épaules, la nuque, le cou), sans compter la sécrétion d’ocytocine, l’hormone de la joie. On l’a vu, l’esprit est corrélé au corps et inversement. Pourquoi se priver des interactions bénéfiques de l’un sur l’autre ? La gratitude nous rend assurément plus fort en nous donnant la possibilité, à chaque occasion, de marquer d’une empreinte bienveillante la relation que l’on a avec l’autre. C’est une merveilleuse façon de lui donner de l’importance en mettant une parenthèse sur l’instant pour lui signifier que ce qu’il vient de faire ou de dire nous a touché et que nous lui en sommes reconnaissant.
Au travail, ce n’est pas dans la culture, c’est certain, mais il n’est jamais trop tard pour apporter notre contribution à un plus fort engagement de l’entreprise dans cette attitude responsable d’attention à l’autre. Trop de conflits et de rupture de communication dans les entités professionnelles sont liés à cette incapacité verticale (hiérarchique) et horizontale (entre collègues) de se remercier. Les jours coulent, le travail s’accumule, sans que personne ne pense à témoigner de sa gratitude autour de soi. C’est tellement délétère. Lors de mes 5 ans d’audits organisationnels, je peux vous confirmer que cette carence était au cœur des dysfonctionnements constatés. Parfois, l’organisation fonctionnelle n’avait rien à y voir. Tout y était : les idées, les personnes, les moyens matériels. Un ingrédient manquait à l’appel, la communication bienveillante, à laquelle participent la gratitude et l’empathie dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler.