Quel est le lien entre nos émotions et notre capacité de concentration ?

La capacité de concentration devient une qualité hautement recherchée en ces temps de stimuli multiples liés à l’hyperconnexion. L’humain multi-tâche qui nous sommes aujourd’hui rend compliquée la focalisation de notre attention sur une activité unique durant plus de quelques minutes. Et, c’est véritablement un « mal » récent dû forcément aux écrans divers qui nous entourent. Au travail, cette constatation est plus que problématique lorsque l’on attend de chacun d’entre nous un travail fini et de qualité ainsi qu’une présence réelle à ce qu’on fait. Pourtant, nous le savons, si notre téléphone vibre lors d’une réunion, nous ne pourrons nous empêcher de le prendre en mains pour vérifier, et donc, de nous déconcentrer quelques secondes, voire minutes. Et, nous avons pléthores d’exemples de ce genre. Les nouvelles générations sont encore davantage sujettes à la distraction puisqu’elles sont quasi nées avec le smartphone (la génération Y des années 80). Et, ne parlons pas de la génération X qui, elle, le considère comme un prolongement de leur bras. Il est donc nécessaire de s’y adapter et de bichonner notre concentration à la lumière de ce constat.

Dispersion-au-travail

Que met-on derrière la notion de concentration ?
Tout d’abord, la concentration peut se définir comme la capacité à la sélection et la direction de notre attention sur un objet. Elle est communément considérée comme une habileté mentale. D’ailleurs, elle est tout à fait susceptible d’être améliorée pour devenir plus performante. Les sportifs, à ce titre, consacrent une partie de leurs entraînements à cet exercice de musculation de l’attention. L’idée est de concentrer son énergie pour fermer sa conscience à tout ce qui peut distraire notre esprit par rapport à la tâche en cours. La championne de tennis Serena Williams nous en donne sa propre définition : “si vous parvenez à continuer à jouer alors que quelqu’un est en train de tirer des coups de feu dans la rue juste à côté, alors on peut parler de concentration”.
Elle est aussi une habileté émotionnelle car, nous allons le voir, les émotions sont pleinement concernées et impliquées dans le processus d’orientation de l’attention. Ce sont elles qui nous guident inconsciemment et nous dirigeons notre attention là où nos émotions sont les plus agréables. Comment nous en vouloir ?

Qu’est-ce que nos émotions ont à voir avec notre capacité de concentration ou pas ?
Robert NIDEFFER, professeur américain qui a beaucoup travaillé sur le sujet, nous dit que « quand on a le sentiment de ne pas maîtriser une situation, on essaie de porter son attention sur tout » et, par conséquent, sur rien. Cela signifie donc que la distraction se nourrit de notre anxiété de ne pas réussir à tout contrôler autour de nous. C’est pourquoi, notre cerveau, pour rendre l’émotion plus facile à surpasser, nous fait faire diversion en allant focaliser notre attention sur autre chose que l’activité, semble-t-il insurmontable, sur laquelle nous étions. Si vous avez des enfants, vous avez déjà repéré ce phénomène en les aidant à faire leurs devoirs. Si l’exercice est difficile et requiert de la concentration de leur part, l’effort est tellement intense qu’ils sont souvent tentés d’aller voir ailleurs, de regarder par la fenêtre, ou de demander quelque chose à manger. C’est naturel. C’est une façon d’alléger leurs émotions face à la tâche ardue. Au bureau, le même scenario se produit. Si nous devons rédiger une note, un rapport compliqué, ou en tout cas, qui demande beaucoup de concentration de notre part, nous trouverons une occasion, le plus souvent, de reporter sous le prétexte (mais nous ne sommes pas dupes) d’autres tâches (plus importantes) à faire avant. C’est d’ailleurs le même circuit qui est empruntée par la procrastination, cette tendance à remettre systématiquement au lendemain.
Quand on sait cela, on est déjà mieux armé pour prendre conscience des détours de notre esprit et reconfigurer notre disque dur interne. Et, c’est encore nos émotions qui vont nous y aider.

Concenrtration-attention

En quoi nos émotions peuvent nous aider à nous concentrer mieux et plus souvent ?
Je vous ai parlé, dans un autre article, de l’état de flow qui influe sur notre motivation et la force de l’engagement que nous mettons dans la réalisation d’une activité. On peut le ressentir quand on est tellement absorbé par celle-ci que l’on perd la notion du temps, et que l’on ressent un sentiment de plénitude à sa finalité. Faire un footing, rédiger un rapport argumenté ou bien regarder un film de suspense, peuvent créer ce sentiment de flow. L’idée est précisément de mobiliser les mêmes émotions de satisfaction, de joie, de fierté, à la perspective de la réalisation de la tâche sur laquelle il nous est demandé de la concentration. Autrement dit, c’est remplacer le sentiment de peur sous-jacent dont nous avons parlé et qui se cache derrière la distraction – cette hantise de ne pas y arriver – par l’enthousiasme et l’estime de soi à l’accomplissement de la tâche.

Etat-de-flow

Je m’explique. Face à des distracteurs externes (bruit, sollicitations, smartphone) ou internes (sensations corporelles, pensées), le jeu consiste à muscler son attention à chaque occasion en testant sa stabilité émotionnelle. Cela suppose non seulement de se concentrer sur sa respiration avant toute tentation de divertissement de notre part (ce qui nous fait, du même coup, reprendre la conscience de soi) mais aussi de s’ancrer au sol en reprenant le contrôle de ses pensées qui auraient pu divaguer en une microseconde et nous faire quitter l’instant présent. Evidemment, le jeu est gagné s’il s’accompagne parallèlement d’un comportement aligné de notre part dans le sens d’une capacité à dire NON aux sollicitations extérieures et autres parasites quotidiens qui peuvent nous user en fin de journée. Il est essentiel de savoir expliquer aux autres notre mode de fonctionnement en leur indiquant que de ne faire qu’une chose à la fois, en tout cas, celle sur laquelle vous êtes concentré à l’instant T, est une priorité pour vous et que ce n’est pas négociable. Vous verrez que, si cela choque au départ, ce sera intégré plus vite que vous le pensez par l’entourage. Ce peut même être une forme de sérénité contagieuse.

Comment reprendre le contrôle de sa concentration concrètement ?

1. Des pratiques comme la sophrologie, la méditation, l’hypnose, les techniques d’optimisation du potentiel (les TOP®) sont particulièrement adaptées pour développer sa concentration et son attention car elles ont toutes pour point commun de refocaliser la personne sur l’instant présent et seulement lui, en oubliant les distractions de la pensée ou de l’environnement. A force de répétition, le cerveau engramme le processus pour le reproduire à chaque nouvelle occasion de perdre le fil d’autant plus aisément qu’il est prouvé, par des expériences scientifiques, que la réalisation d’un mouvement nécessiterait d’engager de l’attention en début d’apprentissage alors qu’elle serait automatique en fin d’apprentissage. L’effort pour revenir à ce que l’on fait se trouve donc à monopoliser au début, quand la distraction survient. Si on parvient à ne pas y succomber, c’est OK. Nous n’aurons plus la tentation après.

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2. Tenir un journal quotidien de ses sources de diversions peut être une bonne méthode de recul sur soi et de compréhension de ses mécanismes de focalisation. Qu’est-ce qui a tendance à me distraire systématiquement ? Pourquoi ? Combien de temps je prends pour revenir à mon activité, et à rediriger mon attention ? Il est attesté qu’en réalité, nous ne pouvons pas traiter, à un haut niveau, deux informations en même temps et qu’il est difficile de faire deux tâches simultanées (la division de l’attention a un coût) à moins que l’une soit automatisée (c’est le gros souci de l’usage du smartphone en voiture) ou que l’on alterne son attention vers chacune des tâches.

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3. Enfin, la méthode de la segmentation de l’activité est aussi ingénieuse face à un esprit dispersé. Elle consiste à découper la journée en petites tâches sur laquelle la concentration sera plus facile tant sur le fond (réorganisation personnelle du temps) que sur la forme (pensées, émotions, sentiments, sensations qui passent). C’est une manière de calmer les émotions d’anxiété, qui, nous l’avons vu, peuvent être source de déconcentration. En redimensionnant les activités de la journée (ou de la semaine) à taille réelle, le stress est moindre et la confiance en soi a plus de chances d’être au rendez-vous, ce qui boostera la performance. Tout est lié.

En conclusion, je ne peux que vous conseiller de vous concentrer sur la façon dont vous vous déconcentrez pour justement en venir à bout et atteindre plus souvent le flow caractéristique des personnes capables d’entrer dans l’activité comme on plonge dans la piscine, c’est-à-dire, quelque soient les distractions alentours. Qu’en pensez-vous ? Vous vous sentez capable de sauter ? Donnez-moi votre retour ci-dessous sur votre expérience de la concentration.