Nous passons, dans la semaine, plus de temps au travail, entourés de nos collègues, qu’à la maison avec nos proches. Ce constat est suffisant pour rechercher de la quiétude et une relation apaisée avec notre environnement professionnel, non ? L’empathie est une des principales compétences-clef à développer en entreprise pour atteindre cet objectif de cohérence avec soi et les autres. Qui ne souhaite pas créer un lien de confiance et de coopération afin de bâtir de saines interdépendances et conduire les missions qui nous sont assignées dans le climat le plus favorable qui soit ?
Vous pouvez me répondre que, chez certains, les compétences relationnelles ne font pas partie de leurs préoccupations premières, et vous aurez raison. Ils mettent davantage l’accent sur l’approfondissement des connaissances et des savoirs que sur la mobilisation de leurs émotions pour leur bien et celui des autres. Et pourtant, certains ont bien compris que « c’est par les leviers de l’intelligence émotionnelle que l’on mobilise les énergies humaines, les talents, les envies de chacun, et le sens collectif, pour que tout devienne possible« . Bruno Barlet, directeur des ventes chez SOMFY GROUP. Il y a un fossé énorme qui est en train de se creuser entre les entreprises « traditionnelles » qui n’ont pas sauté le pas et conservent des modes de fonctionnement obsolètes, fondés sur les seules compétences intellectuelles, et celles qui avancent vers un co-développement et font grandir leurs équipes émotionnellement. D’ailleurs, ce creuset est identique entre les managers continuant à gouverner de manière paternaliste et sur un mode directif et d’obéissance à des objectifs incarnés par eux seuls, et les leaders, qui cultivent leurs émotions et prennent en permanence du recul sur leur propre management afin de choisir la réponse la plus appropriée aux émotions vécues par les collaborateurs. Les émotions du manager sont les forces du leader.
Mais qu’est-ce que l’empathie au travail exactement ?
Marc-Aurèle a écrit : « Nous sommes nés les uns pour les autres« . C’est un début de réponse. Cela signifie que la communication entre nous est innée. Nous sommes des êtres relationnels qui cherchent continuellement à nous mettre en rapport et à échanger. Et, l’empathie est cette capacité à reconnaître, comprendre et partager les émotions de l’autre à travers ce dialogue. C’est donc l’aptitude à entrer en résonnance émotionnelle avec les sentiments de l’autre, et leur intensité. Cela ne veut donc pas dire que nous devons ressentir les mêmes émotions pour entrer en lien avec lui car c’est le chemin assuré vers l’épuisement et, surtout, cela n’aura aucune efficacité sur le soutien que l’on souhaite apporter à note interlocuteur. C’est pourquoi, Matthieu RICARD, sage bouddhiste français, et auteur de Plaidoyer pour l’altruisme, considère que l’empathie doit ouvrir sur l’altruisme, c’est-à-dire sur cette intention inconditionnelle de faire le bien des autres et de percevoir leurs besoins.
Dans un autre article concernant la communication-au-travail, je vous disais que des besoins différents se cachent derrière notre spirale des émotions. La perception de ces besoins est donc essentielle pour non seulement communiquer mais aussi construire avec son interlocuteur une relation saine. Matthieu RICARD compare même l’altruisme à un soleil qui est en mesure de chauffer une personne comme des milliers, sans s’épuiser et perdre de son intensité rayonnante. Notre empathie est similaire à ce soleil. Il ne faut pas hésiter à la faire rayonner autour de nous, au travail comme ailleurs, car elle aura des bénéfices identiques : elle chauffera l’autre mais aussi nous-même, en retour. C’est l’effet de réciprocité de l’empathie.
Si vos collaborateurs, en qualité de manager, vous font un retour très mitigé depuis l’annonce que vous avez faite d’une réorganisation ou d’une nouvelle procédure à mettre en place, rien ne sert de s’arc-bouter, mais au contraire, c’est l’occasion de questionner leurs besoins sous-jacents. Cette posture empathique est la meilleure pour comprendre leurs freins au changement et répondre à leurs inquiétudes dans le but d’un réinvestissement collectif. Généralement, il est bien plus facile de s’interroger sur les besoins qui se manifestent derrière un sentiment caractérisé, comme la déception, la frustration dans notre cas, que sur l’émotion elle-même, comme la colère, la peur ou le dégoût. En entreprise, c’est même la surprise qui est souvent, parmi les 6 émotions primaires, la plus facilement exprimée collectivement. Elle est socialement mieux acceptée. Du reste, pour un manager, poser la question suivante à une personne réfractaire – en quoi as-tu été surpris par ma décision ? – est le sésame pour entrer dans l’intimité du collaborateur, et la porte la plus élégante pour régler les conflits latents. C’est ainsi la manière la plus appropriée, par effet miroir, de reconnaître, comprendre et partager l’émotion ressentie.
Vous comprenez comment l’empathie humanise les échanges professionnels afin de faciliter la compréhension mutuelle ? Comment elle s’enrichie au contact des émotions que l’autre peut avoir du mal à nous exprimer mais que nous sommes prêts à écouter ? Il est vrai que l’empathie réclame de l’énergie, de la concentration et de la flexibilite-emotionnelle. car être attentif, disponible et intéressé à l’autre engage personnellement. Mais, le résultat est, sans nul doute, une estime de soi reboostée et un climat de confiance collective retrouvée. A la différence de l’usure psychique et physique que le jugement, l’auto-centrage ou l’intransigeance fabriquent insidieusement en nous.
Malgré tout, une mise en garde est à noter à ce stade. Etre empathique ne signifie pas être d’accord avec les idées ou les valeurs émises par l’autre à l’occasion des sentiments qu’il aurait partagés. Comprendre et partager ses émotions n’induit pas que nous devons accepter les actes qui en découlent s’ils sont répréhensibles et remettent en cause l’équilibre général. Si un collaborateur s’oppose à une décision prise par le manager que vous êtes, comprendre son émotion est empathique. Mais s’il en vient, par exemple, à agir de façon malhonnête et hypocrite, sans recherche de consensus, il nous appartient de lui rappeler les limites et de prendre les décisions qui peuvent s’imposer pour sortir d’un conflit stérile, perdant-perdant. C’est agir avec discernement en rappelant les principes de la confiance.